Ne manquez pas la Trade Gallery à l’Asian Civilisations Museum (ACM). Vous y trouverez des objets de luxe importés d’Asie. Des céramiques, des meubles et d’étranges objets y sont rassemblés. Et comme en cette année 2020, il ne reste qu’une seule épreuve au bac : l’oral de français, nous vous présentons trois objets de luxe et les citations qui vont avec! En effet, certaines oeuvres de la Trade Gallery sont un clin d’oeil à la culture littéraire française.

En Europe, avec Louis XIV et Versailles, le concept de l’art de vivre à la française prend forme. Les arts décoratifs (ou en franglais Design) rendent perceptibles cet art de vivre luxueux, au raffinement inégalé. Or pour « être tendance », il fallait avoir du goût mais aussi des moyens. Se procurer des objets rares, exclusifs du bout du monde était preuve d’un raffinement inégalé. Et certains objets de luxe ont fait couler beaucoup d’encre et inspiré de grands auteurs.

Qu’est ce que le luxe?

Les objets de luxe se caractérisent essentiellement par leur rareté, la valeur de leurs matériaux ou le savoir-faire de leur réalisation. Nul n’ignore les fêtes et le faste de la cour de Versailles. Peintures, meubles, laques, gravures, porcelaines, livres précieux, tapisserie sont les témoins silencieux du luxe raffiné de leur époque.

L’encyclopédie

Et le luxe sera notre première référence littéraire avec L’Encyclopédie sous la direction de Diderot et d’Alembert. Dans cet ouvrage, Jean-Francois de Saint Lambert consacre tout un article au luxe. En voici une citation :

« Puisque le désir de s’enrichir & celui de jouir de ses richesses sont dans la nature humaine dès qu’elle est en société ; puisque ces désirs soutiennent, enrichissent, vivifient toutes les grandes sociétés ; puisque le luxe est un bien, & que par lui-même il ne fait aucun mal, il ne faut donc ni comme philosophe ni comme souverain attaquer le luxe en lui-même. »

Luxe & parfum : les inséparables!

Bruleur d’encens du 18eme siécle: Porcelaine: Chine, Jiangxi province, Jingdezhen; lacque: Japon; bronze dore: France, corail;
Image courtesy of Asian Civilisations Museum

Commençons avec un objet issu d’un atelier que Diderot qualifie dans l’Encyclopédie « marchands de tout et faiseurs de rien » c.a.d élaboré dans l’atelier d’un marchand mercier parisien. Tout le talent du marchand mercier consistait à faire réaliser ses propres nouveautés comme ce bruleur d’encens. Objet d’art adaptant à la mode européenne des objets d’Orient montés en bronze doré. Ici l’artiste a associé deux matériaux chers aux occidentaux depuis la découverte des productions venues d’Extrême-Orient: laque et porcelaine.

Mais pourquoi un tel objet? Sa fonction était probablement de masquer des odeurs corporelles désagréables. Car Versailles au XVIIIe siècle alliait luxe et ce que l’on qualifierait aujourd’hui d’absence d’hygiène corporelle. Nous pourrions citer anachroniquement Zazie dans le métro de Queneau avec  » Doukipudoktan » mais les examinateurs préféreront peut-être Voltaire dans La Henriade:

« On doit quand Richelieu paraît dans une chambre / Bien défendre son cœur et bien boucher son nez. »

Tulipe: la fleur de luxe!

Vase pour tulipes – Porcelaine Chine vers 1700 (Qing Dynastie, periode Kangxi period, 1662–1722), Image courtesy of Asian Civilisations Museum

Cette forme de vase porte le nom de pyramide ou également obélisque pour fleurs et paradoxalement « tulipieres » en anglais:-). La forme de ce vase en porcelaine est une copie des vases en céramique de Delft en Hollande. Elle a trois sources d’inspiration distinctes: les céramiques perses du XIIe siècle, l’obélisque (symbole de pouvoir) et la fameuse pagode de porcelaine de Nankin.

Notons au passage que les tulipes ne sont pas originaire de Hollande comme on pourrait le penser mais du Kazakhstan (pays d’Asie centrale). Elle ne sont apparues en Europe qu’à la fin du XVIe siècle. Difficile d’imaginer qu’à cette époque la tulipe incarne le luxe. Pour les élites européennes, elle symbolise leur statut social. Cette frénésie d’achat de tulipes est au coeur du film « Tulip Fever » adaptation du roman britannique « Le Peintre des vanités » de Deborah Moggach.

Mais notre référence littéraire sera Jean de La Bruyère et son oeuvre « Les Caractères » décrivant un amateur de tulipes: « Le Fleuriste.« 

« Cet homme raisonnable, qui a une âme, qui a un culte et une religion, revient chez soi fatigué, affamé, mais fort content de sa journée : il a vu des tulipes.« 

Luxe et bézoard!

Bézoard et son écrin en argent. Inde, milieu 17e siècle, Image courtesy of Asian Civilisations Museum

Ne vous fiez pas aux apparences! Ce que referme l’écrin en filigrane en argent n’est pas une perle noire de la taille d’une balle de ping pong mais un bézoard. C’est en fait un calcul intestinal provenant de l’estomac de ruminant.
En Europe on attribuait à cette perle d’estomac des propriétés médicinales: contrepoison, remède contre l’épilepsie, la peste et la mélancolie.
Sa valeur se mesure en carat comme pour un diamant. Bien qu’au 16ème siècle Ambroise Paré prouve son inefficacité.

C’est l’objet luxe par excellence. Objet convoité rare et cher, que l’on pouvait aussi louer à la journée ou pour un événement. On l’exhibait dans un écrin porté en pendentif .
Selon certains historiens ce pendentif bling avait deux fonctions.

  • montrer à un assassin potentiel que vous aviez la protection appropriée.
  • summum, la visualisant que vous aviez non seulement les moyens de posséder un bézoard, mais que vous étiez assez important pour être la cible d’un assassin!

Le bézoard connut une telle renommée comme remède miraculeux que les auteurs les plus célèbres l’intègrent à leurs écrits. Que se soit des ouvrages anglophones comme « Dorian Gray » d’Oscar Wilde ou Harry Potter voire des séries télévisées comme « Buffy contre les vampires » ou « Grey’s Anatomy« .

Mais n’oublions pas Molière qui y fait référence dans son Malade imaginaire  :

Plus, une potion cordiale et préservative, composée avec douze grains de bézoard, sirop de limon et grenades, et autres, suivant l’ordonnance, cinq livres.” Acte I, Scène 1.

Il pimente aussi l’intrigue de deux ouvrages d’Alexandre Dumas père: « Les mariages du père Olifus » ou « Catherine Howard« . Dans ce dernier, l’auteur lui attribue des vertus magiques « a-t-il donc trouvé le bézoard enchanté qui rend son maître invisible? »

La Trade Gallery de l’ACM

Ces trois objets qui ont fait incursion dans la littérature française ne sont que des exemples parmi d’autres.
La Trade Gallery illustre brillamment les échanges commerciaux, culturels et artistiques entre l’Orient et l’Occident. Regards croisés, phénomène d’hybridation, nouveaux repères chaque objet a son secret. En effet, la mondialisation des échanges commerciaux n’est pas un phénomène récent. D’après le Monde Diplomatique: « À elle seule, l’Asie réalisait 70% du commerce sur la planète en 1750 ».
À vous de les découvrir lors de votre prochaine visite!

Profiter de votre visite pour explorer les 2 nouvelles galeries Fashion & Jewellery évoquées dans notre article: « Quand Bling et Chiffons s’invitent au Musée ». N’hésitez pas à le relire sur SG Live!

Petit conseil : profitez du savoir des guides bénévoles de Friends of the Museum pour pleinement profiter de votre visite!

Caroline Carfantan

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