The Idol Thief: The True Story Of The Looting Of India’s Temples

D’après l’ONU le commerce illicite de biens culturels dans le monde représente entre 3,4 et 6,3 milliards de $ par an.

Alors, dans un marché international des oeuvres d’art et des biens culturels toujours plus en croissance, d’où viennent les oeuvres? Sont elles toutes licites?

Selon l’archéologue Roland Besanval : 

« Le problème du trafic d’antiquités, du pillage, est assez similaire à celui de la drogue. C’est la demande qui conduit à cette dévastation vraiment énorme. Il faut se dire qu’un site qui est détruit, c’est terminé, c’est pour l’éternité. L’Histoire est perdue pour l’éternité. »

En Inde entre 2010-2014, les registres de la police nationale recensent 4.115 oeuvres volées. Et on vole de tout: des sculptures en bronze, en pierre, des peintures, des manuscrits ainsi que des éléments architecturaux. 

Subhash Kapoor : un voleur sous les verrous

Le cas le plus célèbre de ces dernières années est probablement celui de Subhash Kapoor, directeur d’une galerie réputée à New York jusqu’à son arrestation en 2011 pour contrebande d’œuvres d’art en provenance d’Inde. Les œuvres vendues par Kapoor au cours des quatre dernières décennies ont été achetées par de grands musées de nombreux pays. On retrouve notamment la National Galery of Australia qui lui avait acheté l’emblématique Suthamalli Nataraja (Shiva dansant) volé dans un temple dédié à Shiva à Suthamalli, dans la région de Tamil Nadu ainsi qu’un Buddha du Kushan (ancien empire de l’Inde du Nord). Cette statue a été récemment restituée à l’Inde.

Un raid dans les entrepôts de Kapoor a révélé plus de 100 millions de dollars d’art indien volé !

Démasqué par S.Vijay Kumar

Un des acteurs clé de cette arrestation est S. Vijay Kumar. Dans la vie, il est cadre dans une société de transport maritime singapourienne. Passionné d’histoire et de patrimoine, il crée en 2007, un blog sur l’art indien : poetryinstone.in. Petit à petit, la vocation du groupe change. Et India Pride Project voit le jour.

S.VIjay Kumar -Bouddha du Kushan
S. Vijay Kumar au coté Buddha du Kushan restitué au National museum Delhi – Photo « India Pride Project – Volunteers »

Leur outil ? WhatsApp dont il a fait l’outil rêvé dans la lutte contre le trafic d’objets du patrimoine volés en Inde. Sous la direction de Vijay, ils partagent sur les réseaux sociaux les photos de chaque sculpture antique indienne qu’ils voient, qu’elles soient dans un temple, d’une galerie d’art ou d’un musée. Ils créent ainsi une banque de données exceptionnelle. Notons au passage qu’ils ont également digitalisé les archives photo de l’Institut français de Pondichéry. Pour plus d’informations, vous pouvez consulter leur site web : http://ipp.org.in.

The Idol Thief

Vijay a publié The Idol Thief en août 2018. Il y relate comment lui et son groupe ont joué un rôle décisif dans l’arrestation de receleurs et trafiquants d’art. Et comment, ils ont identifié des œuvres volées dans les collections de musée aux quatre coins de la planète.

J’ai rencontré Vijay lors d’une conférence à la National Library pour le lancement de son livre. À ses côtés, sa femme était fière et heureuse que la salle soit pleine de monde. Pendant sa présentation Vijay n’a cessé de faire référence à sa compréhension et son soutien, dans ses recherches. C’est un orateur né. Son récit est passionnant. Tout au long de la conférence, il souligne que bien qu’il soit le visage qu’on associe à cette chasse aux œuvres volées, il s’agit avant tout d’un travail d’équipe.

S. Vijay Kumar, un homme plein d’humour – photo de l’auteur

Votre livre décrit le pillage de statues antiques en Inde orchestré par un galeriste d’art indien basé à New York, Subhash Kapoor, actuellement emprisonné en Inde. Comment ce trafic fonctionne-t-il ?

Les réseaux sont de plus en plus sophistiqués vu les montants mirobolants en jeu. Autrefois les objets passaient la douane sous le couvert de la valise diplomatique – moyen sûr de transporter des articles entre une mission diplomatique et son pays d’origine. De nos jours des faux ou copies sont fabriqués dans un premier temps afin d’obtenir des licences d’exportation… puis ils sont échangés contre les originaux à l’exportation. Aujourd’hui, encore, en raison de la corruption flagrante et du manque d’experts, des objets transportés en conteneur quittent l’Inde avec de fausses déclarations.

Votre liste d’institutions associées à Kapoor, légales pour la plupart d’entre elles, compte six pages. Les musées et galeries d’art sont-ils complices ?

Les forces de l’ordre américaines ont bien sûr demandé à toutes les institutions et à tous les collectionneurs de revisiter leur collection. Malheureusement, aucune institution ni aucun collectionneur n’ont donné d’informations ou déclaré la provenance des objets.

La situation ne progresse que lentement. Les musées américains n’offrent toujours pas d’informations détaillées sur leurs achats. Pour les dons, la situation est encore plus opaque. Il en est de même pour les musées australiens. Il est également arrivé que le conservateur semble avoir demandé à l’évaluateur d’un don de modifier son évaluation et de citer une valeur plus élevée ! Malheureusement, cela n’a guère de conséquences juridiques, dans le pire des cas les personnes impliquées sont libérées de leur fonction ou partent à la retraite en toute dignité.

Vous accusez aussi les agences indiennes de négligence, voire de criminalité ?

La criminalité au sujet des oeuvres d’art en Inde en est encore à ses débuts. J’espère que mon livre ainsi que  le travail de tous les bénévoles ces dix dernières années incitera l’Inde à mettre en place une unité judiciaire qui permettra de mettre fin au pillage ciblé de notre patrimoine.

Vous plaidez pour que les statues restent dans les temples, mais comment dans ce cas les protéger contre le vol ?

Pour lutter contre le commerce illégal, il faudrait appliquer une règlementation aussi contraignante que pour l’ivoire. Pas d’achat, pas de pillage.

Avec des bénévoles, nous travaillons également à la mise en place de véritables archives nationales. Le monde de l’art, s’il le veut, peut faire preuve de diligence et s’assurer qu’il ne considère pas les pays sources comme une cible facile, même face à une paperasse apparemment infaillible mais de fait factice.

À lire absolument

Son livre se lit comme un polar. Il n’existe malheureusement pas (encore) en français. Ses héros : des passionnés du patrimoine, des hommes et femmes comme vous et moi dont l’engagement fait la différence. Il est écrit en deux parties. La première décrit comment Subhash a été traqué et reconnu coupable. La seconde décrit les difficultés rencontrées pour qu’il y ait des poursuites et une condamnation. « Il y avait des taupes au sein du ministère » me dit-il. The Idol Thief énumère également les réseaux de trafic d’œuvres d’art toujours actifs en Inde.

Deux choses m’auront impressionnée durant cette rencontre : la modestie de l’auteur et l’immense travail de qualité, de recherche de son groupe.

Caroline Carfantan

Laisser un commentaire

Votre commentaire s'il vous plait!
Merci d'indiquer votre nom

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.