Demain, je serai une femme libre et instruite
Tina Kieffer, a été journaliste et rédactrice en chef du magazine Marie-Claire France pendant de nombreuses années. Ma génération l’a beaucoup vue à la télévision dans un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre.

Tina Kieffer a créé l’association « Toutes à l’école » en 2005.
Cette association a pour mission de développer une scolarisation de haut niveau pour les petites filles puis les jeunes filles défavorisées au Cambodge. Et ensuite, de les accompagner jusqu’à leur premier emploi.
Toute cette histoire a commencé lorsque Tina est partie en vacances au Cambodge en famille avec une valise de vêtements à déposer dans un orphelinat.
Jusque là, ce pourrait être votre histoire ou la mienne…
Mais cette valise a changé la vie de Tina et plus encore celle de la petite Chandara.
En apercevant une fillette en larmes, Tina tente de comprendre. Une petite fille de 3 ans, malade, qui n’a pas été adoptée n’a plus beaucoup de chances d’échapper à un trafic et au trottoir dans ce coin du monde, à l’époque.
Alors Tina l’emmène pour la soigner.
Et naturellement l’adopte.
Ce qui est naturel pour Tina Kieffer ne vous aurait peut-être pas forcément traversé l’esprit.
Mais une petite fille ça n’est pas assez. Toutes les autres sont restées en risque sur le banc des enfants abandonnées avec des perspectives de vies plutôt sombres.
Tina va déplacer des montagnes pour en sauver le plus possible. Donner à ces futures femmes un avenir. La possibilité de sortir de leur condition. De devenir des modèles et des moteurs dans leur pays.

Parce qu’une femme instruite est un véritable cadeau pour les générations qui suivent, Tina s’est battue.
Nous avons eu la chance de la rencontrer et de lui poser ces questions lors de son passage à Singapour en janvier dernier.
Comment est venue cette idée dans un pays si loin de Marie-Claire ?
TK : Quand j’étais directrice de la rédaction de Marie-Claire France, j’ai été très sensible aux injustices subies par les femmes dans certains pays du globe. Chaque semaine, un photoreporter me présentait un sujet sur les violences domestiques, les crimes d’honneur…
Je voyais l’immense part de responsabilité de l’ignorance et de l’obscurantisme. Mais comment changer les mentalités, si ce n’est par l’éducation? D’où ma volonté de me tourner vers l’instruction des filles, seule façon à mes yeux de rendre le monde de demain plus juste et plus humain.
Pourquoi avoir réservé l’accueil aux petites filles?
TK: En 2004, en visite au Cambodge, je remets une valise de vêtements à un orphelinat. C’est lorsque j’ai vu toutes ces fillettes privées d‘école et parfois vendues à des trafics, que j’ai eu l’idée d’une école.
Au Cambodge, 90% des intellectuels ont péri massacrés par les Khmers rouges. L’éducation est une urgence. Et les filles éduquées seront, une fois mères, les mieux placées pour transmettre à la génération future.
Ainsi, en 2006 l’école Happy Chandara accueillait sa première promotion. Qui a passé le baccalauréat en août 2018 avec un taux de réussite de 100 %, alors que le taux d’admission au Cambodge est de 66%… Coup double cette année avec à nouveau 100% d’admission!
Ces résultats sont la preuve que nous avons choisi la bonne voie. Apporter une instruction exigeante à des enfants très défavorisés est d’une grande efficacité, tant ils démontrent de détermination à se sortir de leur condition.
Notre action se poursuit auprès de ces bachelières devenues jeunes universitaires. Elles sont aujourd’hui hébergées dans le foyer Chandara Students’ Home à Phnom Penh. Et s’y construisent une vie d’adulte autonome dans un environnement sécurisé.
La mission que s’est fixée l’association Toutes à l’école est double :
– Instruire les mères de demain qui, ainsi, sauront transmettre le meilleur à leurs enfants.
– Augmenter le nombre de femmes aux postes de décision du pays. Tout en développant des valeurs de tolérance et de paix.
Chaque année, une nouvelle promotion de cent élèves est inscrite, sélectionnée selon l’âge (6/7ans), le lieu d’habitation (à une dizaine de kilomètres de l’école), et le faible niveau social des familles. Les assistantes sociales de l’école se rendent sur place évaluer leurs conditions de vie afin de donner la priorité aux plus pauvres.
La prise en charge des enfants est globale à travers :
- – Une alimentation équilibrée préparée sur place chaque jour
- – Un suivi médical, dentaire, ophtalmologique et un programme vaccinations pour les élèves et leurs familles
- – La distribution de paniers alimentaires aux parents chaque trimestre, afin qu’ils acceptent que leurs filles ne travaillent plus pour les aider à subvenir aux besoins de la famille.
Véritable campus, l’école Happy Chandara réunit aujourd’hui une école primaire, un collège, un lycée, un centre de formation professionnelle, un pôle médico-social et un internat qui accueille les élèves les plus vulnérables.
Le foyer pour étudiantes, bientôt trop petit pour accueillir l’ensemble de nos étudiantes, nécessite l’achat d’un second bâtiment, qui devrait ouvrir ses portes à la prochaine rentrée scolaire.
Avez-vous été tentée d’ouvrir d’autres écoles ?
TK: Oui bien sûr, mais pour cela il faudrait que nous puissions compter sur le soutien financier d’une fondation afin de limiter les risques. « Toutes à l’école » exige déjà un investissement total pour lever les fonds nécessaires à son fonctionnement.
Quelles sont les idées récentes qui vous tiennent à cœur ?
TK: Ouvrir un nouvel internat pour accueillir les petites filles qui vivent dans des poches de pauvreté plus éloignées de l’école Happy Chandara.
Quel est le souvenir le plus émouvant lié à Happy Chandara ?
TK: Tout d’abord en 2006, quand j’ai pu organiser la première rentrée des classes de cette nouvelle école. J’ai vu les visages rayonnants – même si j’y lisais une certaine appréhension – de toutes ces petites filles qui prenaient pour la première fois de leur vie le chemin de l’école.
…Mais aussi en 2018, le jour des résultats du baccalauréat de cette première promotion : voir nos élèves de terminale si heureuses et émues aux larmes à la découverte des résultats a été un moment très fort.
Quel est le plus beau parcours de petite fille que vous pouvez nous raconter ?
TK: Tola vivait dans un orphelinat où il n’y avait même pas de lumière pour faire ses devoirs, elle avait beaucoup de difficultés avec des notes médiocres. Le jour où elle a intégré l’internat de Happy Chandara, ses résultats ont progressé de manière spectaculaire !
Tola est même devenue 1ère de sa classe, puis a passé un an dans un lycée international de renom, à Saint-Germain en Laye dans la banlieue parisienne. Elle étudie aujourd’hui dans la meilleure école d’ingénieurs du Cambodge, et est parfaitement trilingue. Il n’est pas exclu qu’elle vienne faire plus tard son Master II à Polytechnique en France.
Si vous souhaitez participer à l’aventure d’Happy Chandara, vous pouvez contribuer à travers ce lien: Toutes à l’école
Et pour vous investir dans Happy Chandara, il y a également de multiples façon de donner votre temps en tant que professeur ou administratif.
Et si vous connaissez une fondation qui pourrait aider Happy Chandra, n’hésitez pas à nous contacter.
Sophie Merlin
D’autres associations en faveur de l’éducation des enfants de la région : Agir pour l’éducation : Enfants du Mekong et l’École du Bayon.