Venez découvrir l’histoire de la communauté Sikh de Singapour, un peu confidentielle pour nous Européens à travers l’exposition temporaire Sikhs a Story Untold à l’Indian Heritage Center.

Le sikhisme, religion souvent méconnue dans nos latitudes et pourtant la cinquième religion mondiale. C’est aussi une des plus jeunes religions du monde, une religion entre hindouisme et islam. Je prie nos lecteurs de m’excuser pour ce descriptif bref donc forcement réducteur. Très reconnaissables, les pratiquants (hommes) ont les cheveux enveloppés dans un turban et une barbe longue. Ils se distinguent aussi par leurs noms: Singh (qui signifie lion) pour un homme, et Kaur (princesse) pour une femme.

Un peu d’histoire…

En 1850 selon les archives, le Premier Sikh à avoir foulé le sol de l’ancienne colonie britannique fut un prisonnier de guerre politique: Bhai Maharaj Singh. Puis toujours selon les archives, une garnison de 54 cipayes sikhs débarque à Singapour le 26 mars 1881. Le terme cipaye désigne un soldat indien ayant servi, à l’époque coloniale, dans une armée occidentale. Petit clin d’œil historique, l’inauguration de l’exposition a eu lieu le 26 mars 2021. Soit 140 ans plus tard 🙂

Pourquoi visiter cette exposition?

Image courtesy of the Indian Heritage Center

Pour découvrir une communauté dont nous ignorons presque tout

Son histoire est liée à celle de la France:

Photo de l’auteur
  • Au 19e siècle des officiers napoléoniens – rayés des cadres sous la Restauration en raison leur attachement à l’empereur Napoléon Ier – offrirent leurs services au roi des Sikhs le maharajah Ranjit Singh pour combattre les britanniques.  
  • Parmi eux le tropézien Jean-François Allard qui épousa une princesse du royaume de Chamba (Himachal Pradesh actuel). Si nous l’avons oublié, il n’en est pas de même pour la communauté Sikh internationale qui en 2018 offrit un buste du maharajah Ranjit Singh à la ville de Saint-Tropez.

Mes trois coups de coeurs

Ce choix n’est ni exhaustif, ni représentatif. Comment pourrait-il en être autrement pour une exposition qui compte plus de 450 artefacts ? Il n’engage que moi et je vous invite à découvrir les 99% restant. Je vous promets que vous ne serez pas déçu.

Photo_Credit ‘Royal Collection Trust/©Her Majesty Queen Elizabeth II 2008’

1-L’oeuvre des Singh Twins!

Les Singh Twins sont un duo artistique britannique. Les soeurs jumelles réalisent leurs tableaux à quatre mains. J’ai découvert leur immense talent grâce à cette exposition. Et ce fut le coup de foudre, une révélation.

Leur style est une fusion entre l’art indien classique de la miniature et les influences occidentales contemporaines. Elles le qualifient de past-modern.

Les Singh Twins sont non seulement talentueuses mais aussi charmantes. Sans elles, malgré des heures et des heures de recherches, je n’aurais décodé cette oeuvre que partiellement. Car aucun motif n’est là par hasard. Tout est magnifiquement orchestré. Chaque détail, à première vue purement décoratif, est chargé de symbolisme.

Le sikhisme en un tableau.

« Image copyright The Singh Twins:www.singhtwins.co.uk« 

La composition d’ensemble est non seulement le portrait d’un homme saint mais aussi une narration visuelle. En l’examinant de près, on découvre nos seulement le caractère mais aussi les enseignements du dixième et dernier guru Gobind Singh Ji

C’est lui qui introduisit en 1699 le rite d’initiation sikh, garantissant l’entrée dans la Khalsa (la communauté des purs). La Khalsa impose aux hommes et aux femmes de respecter les « 5K ».  

Pourquoi les 5 K ? Parce que chacun des objets incarne une valeur spirituelle commence par la lettre K. Il s’agit :

  • du Kesh (l’interdiction de se couper les cheveux),
  • du Kanga (peigne),
  • du kara (bracelet en acier),
  • du Kirpan (dague à double tranchant) et
  • du Kashera (caleçon court).

Et si vous regardez attentivement vous découvrirez trois des 5K dans ce portrait des Singh Twins. Les cheveux longs c.a.d non coupés, la dague a double tranchant et le bracelet en acier au poignet du Guru

Quant à sa personnalité, un premier indice est la couleur des ses vêtements. La couleur bleue de sa tenue est traditionnellement associée au code vestimentaire de la Khalsa. D’ après le livre de Jagraj Singh A Complete Guide to Sikhism, les Sikh associe le bleu à « un esprit aussi large que le ciel, sans place pour les préjugés »

Les animaux de la bordure symbolisent ses traits de caractère. Voici la symbolique des trois oiseaux:

  • L’aigle dénote le courage. Généralement, l’oiseau représente le message d’un prophète, l’esprit et les prouesses d’un guerrier, ainsi que le leadership.
  • Le pélican est associé du sacrifice de soi dans le christianisme. Il désigne la tradition de martyre établie par les cinquième et neuvième maîtres sikhs (Guru Arjan Dev Ji et Tegh Bahadur Ji)
  • Le cygne représente l’âme pure qui, selon l’enseignement sikh, peut être atteinte en contrôlant les cinq vices humains que sont kaam (luxure), krodh (rage), lobh (avidité), moh (attachement) et ahankar (orgueil).

Même les triangles ont leur signification! Les triangles (renversés et inversés) représentent les hommes et les femmes. Ils dénotent l’égalité des sexes : un enseignement clé du fondateur du sikhisme, Guru Nanak Dev ji. Ce principe a été renforcé par Guru Gobind Singh ji lors de l’établissement du Khalsa, notamment en nommant tous les adeptes masculins Singh (qui signifie lion associé aux souverains en Inde) et toutes les femmes Kaur (qui signifie princesse).

2-Un VRAI sublime châle du Cachemire datant de 1850

Detail – photo de l’auteur

L’art du châle du Cachemire a atteint son apogée sous le patronage du Maharaja Ranjit Singh – celui dont le buste est à Saint Trop! Sa passion l’art et l’architecture a inspiré l’esthétique de ces tissus brodés. Le châle de l’exposition illustre la beauté et la diversité du Pendjab. Incorporant des traditions indiennes à la mythologie perse.

Prenez le temps de regarder la multitude de détails. Des sujets masculins et féminins sont assis à l’intérieur de chhatris (pavillons surélevés en forme de dôme) ou chassent parmi des oiseaux, des chiens, des dragons et des perroquets. La large bordure est finement brodée. On y voit des éléphants, des cerfs, des scènes de chasse, des créatures mythologiques et des centaures.

Ces châle en Europe était le summum du luxe absolu! Saviez-vous que c’est l’impératrice Josephine qui les rendit populaire en France et en Europe?

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Les femmes à l’honneur

La présentation et le choix des objets est un art en soi. Trouver une trame, une histoire donnant une visibilité aux femmes dans l’espace du musée surtout quand il s’agit d’un musée dédié au patrimoine et à une communauté n’est pas chose facile.

Souvent le discours principal est masculin tant par les objets que par les personnalités ou biographies mises en avant. Bien que les femmes soient souvent au coeur de ses préoccupations, le narratif est masculin. Quand il devient féminin, les artefacts sont souvent de l’ordre domestique: bijoux, chiffons, tissus ou ustensiles de cuisine. Cette exposition n’y échappe pas, heureusement car cela aussi fait partie du patrimoine. Dans de nombreuses communautés, les femmes sont les vecteurs culturels préservant les traditions et rituels.

Image courtesy of the Indian Heritage Center

Mais Sikhs in Singapore — A Story Untold, donne la parole à de jeunes artistes femmes. Et cela non en raison de leur sexe, mais de leur talent!

D’où mon troisième coup de coeur!

3-les films Being Sikh

Une trilogie de films spécialement commanditée, intitulée Being Sikh est projetée au sein de l’exposition. Ces trois courts métrages permettent aux visiteurs de découvrir l’héritage sikh à Singapour à travers le rôle des femmes, de la tradition et de la foi.

Ils sont tout en nuances. My Name is Kaur par exemple, réitère le rôle clé des femmes Sikhs en tant qu’agents de stabilité et de bien-être familial en donnant la parole à une femme d’un certain âge, témoin de nombreux événements historiques.

Setting nostalgique, version appartement HDB pour visionner en toute tranquillité ces 3 courts métrages – photo de l’auteur

Produits par deux femmes talentueuses

Ces films ont été produits par . Deux femmes Sikhs, la cinéaste locale Upneet Kaur Nagpal et la romancière Balli Kaur Jaswal on produit ces films pour l’exposition.

Balli Kaur Jaswal : romancière au succès international

Elle est née à Singapour avec des racines du Penjab. Elle a passé sa vie entre le Japon, la Russie, les États-Unis et l’Europe. Le premier de ses romans publié en France, « Le Club des veuves qui aimaient la littérature érotique » a rencontré un succès international lors de sa publication. Sélectionné par Reese Witherspoon pour son fameux book club et traduit dans de nombreuses langues, ses droits cinématographiques ont été acquis par la société de production de Ridley Scott.

Un autre de ses romans : « Les Incroyables Aventures des soeurs Shergill » sur la complexité des relations familiales et la double culture, vient juste de paraitre en français.

Photo de l’auteur

Upneet Kaur Nagpal cinéaste primée

Fondatrice de Uptake Media, elle produit, écrit, monte et tourne sur diverses plateformes média. Je vous invite vivement à visionner sur YouTube deux ses courts métrages.

  • The Saint Soldier qui relate l’histoire de Bhai Maharaj Singh. – le premier Sikh de Singapore dont je vous parlais plus haut. Il a remporté le prix du meilleur long métrage dans la catégorie documentaire lors du Global Indian Film Festival
  • Singh In The Lion City, est un documentaire relatant la quête d’un homme Sikh singapourien à la recherche de son identité culturelle. Ce documentaire aborde les thèmes plus larges du patrimoine et la diaspora Sikh à Singapour.

En conclusion

Attention, ces 3 coups de coeurs ne sont qu’un bref aperçu. Profitez d’un weekend ou des vacances pour découvrir cette exposition qui met si merveilleusement en valeur la communauté Sikh de Singapour. Sans oublier que le quartier de Little India mérite toujours une visite.

Petit conseil de la rédaction: profitez du savoir des guides bénévoles de Friends of the Museum pour pleinement profiter de votre visite et de l’application smartify! Et n’hésitez pas à relire notre article sur les galeries permanentes de ce musée.

Caroline Carfantan

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