Elle vous aide à la maison, vit chez vous et on dirait que tout le monde en a une…ou deux. Avoir une helper, c’est un peu la norme à Singapour. On les appelle, helpers, maids, fdw (foreign domestic workers – langage du gouvernement- car elles sont impérativement étrangères).
Vous vous posez des questions : dois-je en embaucher une ? Quelles sont les règles à suivre? Comment la trouver? Et comment faire pour que ça se passe bien? Voici un aperçu des choses à savoir quand on veut embaucher une helper à Singapour.
To have or not to have a helper
Des avantages indéniables
Une aide considérable
Avant de foncer tête baissée dans le recrutement, n’hésitez pas à prendre un peu de recul et peser le pour et le contre. Ces (souvent jeunes) femmes font office de femme de ménage, nounou, cuisinière et baby-sitter. On les voit tôt le matin laver les voitures, promener les chiens, accompagner les enfants à l’école, puis au supermarché avec un bébé en poussette, au wet market et à la maison faire le ménage, cuisiner, s’occuper du linge…
Avoir une helper est souvent une libération pour les couples actifs qui enchainent les voyages d’affaires ou les zoom-meetings dans leur chambre. Et aussi pour les familles dont le conjoint au foyer a envie besoin de cocktails sur la plage et d’activités en dehors de la maison. N’est-ce pas vital de rencontrer du monde quand on arrive dans un nouveau pays?
Imaginez aussi la liberté de ne plus jamais avoir besoin de réserver une baby-sitter à l’avance, de pouvoir inviter sans compter avec la certitude d’être aidé, rentrer de vacances en laissant les valises à l’entrée…
Ça y est, vous rêvez ?
Si vous avez l’habitude de tout faire tout seul, prenez en considération qu’à Singapour la chaleur, la configuration et taille des maisons rend le travail domestique plus pénible qu’en Europe.
À bas prix
Une helper est une aide à temps complet que peu d’entre nous pourraient s’offrir dans nos pays d’origine. Et donc à chacun de décider d’un point de vue moral s’il estime participer à un système qui exploite les pays pauvres de la zone (Philippines, Indonésie, Birmanie…) ou s’il s’agit de fournir un job à une femme qui veut faire vivre sa famille. Car ces femmes font de gros sacrifices pour des raisons financières. Beaucoup de helpers laissent leurs enfants au pays où ils sont élevés par leur famille jusqu’à l’âge adulte, envoient quasiment tout leur salaire à la famille et sont rattrapées par la précarité si elles n’arrivent pas à économiser.

Et des points faibles
Qui reçoit peu de considération
Il faudra s’accommoder du regard condescendant de la société singapourienne sur les helpers. Pour illustration, leurs chambres dans des condos de luxe ne sont pas plus grande que la taille d’un lit et une commode, ont rarement une fenêtre et l’eau chaude et quasiment jamais la climatisation. Elles n’ont en général pas le droit de se baigner dans les piscines des condos, doivent prendre les ascenseurs de service, sont surveillées voire harcelées par les gardes…sans compter les réseaux sociaux qui se délectent de commérages concernant les helpers. Et vos amis et famille en France qui n’hésiteront pas à vous donner leur avis sur « les nouveaux esclaves » et leur esclavagiste bien entendu !
Qui vit chez vous, avec vous
D’un point de vue pratique, accepterez-vous sans broncher cette intrusion dans votre intimité? Les helpers vivent obligatoirement chez vous. Elles sont en général très discrètes et charge à vous de leur expliquer quel comportement vous attendez, mais c’est un point important à considérer. Votre cuisine est-elle ouverte sur le salon? La lingerie est-elle dans le couloir? Sa chambre donne t-elle directement sur l’entrée? Avant de choisir un logement, pensez à ces détails qui peuvent vous compliquer la vie.
Aussi, c’est une personne de plus à la maison avec ses habitudes, ses attitudes, ses manies et ça peut être un poids.
Dont on peut se passer
Vous trouverez à Singapour des femmes de ménage (on les appelle les part-time), de plus en plus d’options de livraison à domicile (Le Petit Depot pour les produits français, Redmart, Open Taste etc..) et des baby-sitters (Singapour Nana Baby Sitter ou autres groupes FB). Les couts et la flexibilité seront différents mais il est tout à fait possible de se passer de helper…et ce même avec 4 enfants, deux jobs et une grande maison (mais c’est plus facile avec).
Embaucher une helper
Tour d’horizon de vos responsabilités :
L’embauche d’une helper est très encadrée par le MOM (Ministry of Manpower). Vous serez son unique employeur et son visa de travail portera votre nom. Avant tout, vous passerez le EOP (Employers’ Orientation Program) en ligne qui vous expliquera les conséquences de l’embauche d’une helper. C’est un préalable obligatoire à toute embauche et vous ne pourrez le passer qu’une fois muni de votre propre visa. Vous retiendrez que vous êtes responsable de votre helper.
Vous serez informés qu’à Singapour, la semaine de travail de la helper est de six jours et elle a droit à deux semaines de congés payés tous les deux ans. Elle vit impérativement chez son employeur qui doit la nourrir et subvenir à ses besoins.
Vous prendrez une assurance pour ses frais médicaux et aussi pour la caution que vous devez au gouvernement (security bond). En cas de maladie ou d’accident, vous devrez payer ses frais médicaux (vous êtes tenus d’acheter une assurance couvrant les frais d’hospitalisation et chirurgie à hauteur de 15000 S$ et donc, vous assumerez seuls les frais dentaires ou les maladies ainsi que les visites médicales biannuelles, à moins de prendre une autre assurance). Si elle disparaît, vous perdrez la moitié de votre Security bond (hors assurance) ou la totalité si vous n’avez pas signalé sa disparition. Si vous la licenciez ou si elle est enceinte vous paierez son billet de retour jusque chez elle.
En période de COVID, les employeurs ont dû surveiller les helpers et s’assurer qu’elles suivaient les règles. Néanmoins, vous ne serez pas responsables légalement. Si la helper commet un vol ou toute autre infraction, vous ne serez pas tenus responsables, mais vous serez peut-être interrogés.
En général, les papiers d’embauche et de visa sont gérés par une agence mais vous pouvez parfaitement tout faire vous-même en ligne si vous avez trouvé votre employée. Le site du MON est très clair et NTUC propose des assurances à souscrire en ligne.
Ce qu’il faut savoir :
- elle doit impérativement vivre et dormir chez vous
- elle ne doit travailler que pour vous et chez vous
- elle ne peut que faire un travail domestique (ni cuisiner pour votre restaurant ni le nettoyer, ni coudre pour votre activité de couturière…)
- elle passe des visites médicales tous les six mois qui comportent un test de grossesse. Si elle est enceinte, elle ne peut pas rester à Singapour.
Les règles sont ici : Employment rules
En découle :
- la helper ne peut pas démissionner. Elle doit demander l’autorisation de son employeur pour changer de famille.
- ses horaires de travail ne sont pas réglementés.
- elle a droit à un jour de repos par semaine mais elle peut « accepter » de travailler et être payée.
Le recrutement
Vous pouvez recruter une helper de plusieurs façons :
Par une agence ou en direct,
C’est souvent plus efficace de mener les deux recherches de front. Bien vérifier que l’agence est accréditée auprès du gouvernement. Le site du MOM recense les agences et fournit des statistiques utiles (ancienneté de l’agence, taux de rétention, nombre de placements…) Pensez à demander la liste de tous les frais que vous aurez à supporter.
Directement depuis son pays d’origine
Vous embauchez une jeune femme qui n’est pas à Singapour. Vous ferez l’interview en ligne et l’agence se chargera de la faire rentrer sur le territoire. Le coût peut être élevé pour vous comme pour elle. Tout d’abord en raison des fameux placement fees qui se transforment en loan que l’employée devra rembourser. Le gouvernement indonésien a récemment interdit que les placement fees soient chargés aux helpers. Ce serait donc à l’employeur de le supporter. Aussi, en ce moment, c’est à l’employeur de supporter le coût de la quatorzaine et des tests COVID. Elle devra aussi participer à une journée de formation : le SIP (Settling In Program)
Ou elle est déjà à Singapour : transfer
Vous embauchez une helper qui est employée à Singapour dont la famille part ou qui est en attente sous la responsabilité d’une agence. On appelle cette embauche un transfer. Demandez systématiquement avant toute interview la release letter. Cette lettre signée par l’employeur indique qu’il libère la helper. Malheureusement, certains employeurs ne veulent pas mettre fin au contrat de leur helper et vous perdrez votre temps à l’interviewer. Des helpers embauchées localement peuvent aussi supporter des placement fees élevés.
Et les transfers ne courent pas les rues en ce moment.

L’interview
Si vous allez interviewer dans une agence, attendez-vous à un choc culturel. Souvent les jeunes femmes sont assises en rang d’oignon dans un couloir, c’est déroutant. Cela donne envie de partir en courant…
Poser les bonnes questions.
Vous trouverez des exemples dans les groupes Facebook Singapour Nanas ou Singapore Expat wives. Vérifiez son CV, demandez-lui ses références et appelez-les.
Aussi, ne lui expliquez pas immédiatement que vous avez un chien et des jumeaux de 3 ans. Il est important de garder à l’esprit la culture asiatique de votre interlocutrice. Elle cherchera à ne pas vous décevoir et donc aura tendance à toujours répondre oui à vos questions. Il faut donc impérativement poser des questions ouvertes.
De même évaluez sa formation : quels cours avez-vous suivis ? Quand ? Où ? Des cours de cuisine, lesquels ? Privilégiez les « mise en situation » : si ma fille est tombée et ne se relève pas que faites-vous ? Vous avez des œufs, du lait et de la farine, que pouvez-vous cuisiner ? Du riz, du poulet et des petits pois ? Les enfants ne descendent pas du bus scolaire qui appelez-vous? Et intéressez-vous à sa situation familiale et sa santé.
Ensuite proposez un deuxième entretien chez vous avec votre famille. Montrez-lui la maison, sa chambre et le quartier…Il est fréquent que les helpers refusent certaines familles, ne le prenez pas personnellement. La maison est peut-être trop éloignée de Lucky Plaza, ou a trop d’escaliers…
Attention, il n’y a pas de période d’essai. Si ça ne fonctionne pas, il faudra rompre le contrat et chercher quelqu’un d’autre. Ce peut être long et couteux. Mais les agences proposent souvent un deuxième placement sans frais pendant quelques mois. Attention, si vous changez trop souvent de helper, le MOM vous convoquera.
Gérez vos attentes :
Les helpers ont grandi dans des pays en développement en général dans des familles défavorisées. Elles n’ont pas suivi la même scolarité que les nounous en France, elles n’ont pas les mêmes modes éducatifs que vous. Tout ce qui vous semble évident ne l’est pas pour elles. Si elles ont travaillé dans des familles d’origine chinoise, elles ont souvent été « micro-managées » et ne s’autorisent pas à prendre des initiatives. Et dans les familles d’expats, tous n’ont pas les mêmes exigences que vous. Ce n’est pas parce qu’une helper s’est bien intégrée dans une famille que ce sera le cas chez vous.
Accueillez-la.
Il faudra prendre le temps d’intégrer votre employée à votre famille. Et hiérarchisez bien vos priorités. Pensez aux cours de premier secours si vous lui confiez vos enfants. Faites-lui un emploi du temps, expliquez-lui ses taches, (les groupes FB ont des programmes de travail pour vous aider), les règles de la maison et ce que vous attendez d’elle. Soyez explicite, patient et ferme. Faites attention à son attitude envers les enfants. Elle peut considérer qu’ils sont ses employeurs quand vous n’êtes pas présent et obéir à tous leurs caprices. Montrez-lui le fonctionnement de tous les appareils d’électroménager. Elle ne sait peut-être pas s’en servir ni les entretenir.
Soyez clair sur certaines règles : utilisation du téléphone portable, sa présence ou non pendant les repas, lorsque vous êtes en famille, en tête à tête avec votre époux(se), son horaire de retour le dimanche, les emprunts, les règles quand toute la famille s’absente en été…
Une de mes amies passait 2 mois entier avec les nouvelles helpers à tout faire avec elle. Un investissement temps considérable mais qui payait !

Les emprunts
Les helpers font souvent face à des situations graves dans leur pays d’origine et leurs familles leur réclament très souvent de l’argent. Cela crée des situations difficiles et elles vont se tourner vers vous ou vers des prêteurs. Vous serez donc très certainement sollicités et souvent pour une bonne raison. À vous de voir comment vous répondrez aux demandes.
En revanche, prévenez votre employée des risques à emprunter auprès des prêteurs. Tout d’abord le coût très élevé des frais fixes, puis le tarif démentiel des taux d’intérêts et finalement des risques en cas de surendettement. Depuis juillet 2019, les employés étrangers n’ont plus le droit d’emprunter plus de 500 S$ au total. Vous pouvez parfaitement lui faire signer un engagement à ne pas s’endetter sans vous en informer (y compris auprès de ses copines) et à ne pas dépasser le montant autorisé. Cela la responsabilisera et évitera (peut-être) certaines situations compliquées.
Gérez-la comme une employée.
Faites des points réguliers, en expliquant ce qui va et ce qui peut être amélioré. Demandez-lui si elle se pose des questions, si elle veut changer quelque chose. Proposez-lui des formations ou des échanges de recettes ou tuyaux avec les helpers de vos amies. Vous pouvez faire le choix de donner des bonus et montrer que vous appréciez son travail.
Mais aussi comme un membre de la famille
Pensez à son anniversaire, aux fêtes. Intéressez-vous à sa famille, ses amies, ses hobbies. Vous pouvez aussi lui accorder plus que deux semaines de congés tous les deux ans… Mais ne vous étonnez pas si elle refuse. Il est fréquent que sa famille attende beaucoup (trop) de cadeaux de sa part lorsqu’elle leur rend visite.
Tout roule, ne vous laissez pas aller
Quand tout roule avec votre helper, votre vie est considérablement simplifiée et vous avez du temps à consacrer à votre carrière, votre famille, vos hobbies, vos voyages (😉)… Et il devient très facile de se laisser aller, et votre helper peut faire des journées de 14 heures. Elle travaille aussi le samedi, quelquefois tard en raison d’un diner et elle s’épuise. Pensez-y, car elle ne va pas se plaindre.
Ça ne va plus
Une bonne communication permet d‘éviter les malentendus mais parfois cela ne suffit pas. L’agence peut vous aider à mieux expliquer ce qui ne va pas. Mais si vous souhaitez vous séparer de votre helper, vous avez toujours l’option d’annuler son permis de travail en ligne et la mettre dans un avion pour son pays d’origine. À réserver aux cas graves.
Sinon, respecter le préavis prévu dans le contrat, donnez-lui le temps de trouver un nouvel employeur ou raccompagnez-la à l’agence qui l’hébergera à vos frais en attendant qu’elle se recase. Vous serez responsable d’elle jusqu’à ce qu’un nouveau permis de travail soit établi.
Le coût
Le salaire :
Le salaire d’une helper dépend de ses qualifications et de sa nationalité. Les ambassades donnent des indications de salaires minimums. Les employées philippines ont des salaires plus élevés surtout car elles parlent souvent mieux anglais. Aujourd’hui le salaire minimum d’une helper philippine est de 570 S$ mais un salaire de 700S$ n’est pas rare. Même aux Philippines, 570 S$ ce n’est pas beaucoup. Ne vous laissez pas aller à écouter des généralisations sur les nationalités d’origine des helpers.
Les taxes :
Au salaire, il faudra ajouter la taxe (levy) qui s’élève à 300 S$ pour la première helper et 450 S$ pour les suivantes. Si vous avez au moins un enfant et l’épouse du foyer travaille, il existe des déductions fiscales pour cette taxe.
Les frais d’embauche :
Le cout de l’embauche de votre helper dépend de l’agence, de l’origine de votre helper (transfer ou embauche directe) et de l’assurance que vous choisissez.
La nourriture :
Avant de l’embaucher mettez-vous d’accord sur la nécessité de lui donner une allocation pour ses repas (food allowance) ou non. Cette solution est quelquefois hasardeuse car votre helper peut décider d’économiser sur sa nourriture. Une autre solution est de la laisser acheter ce qu’elle aime au supermarché pourvu qu’elle rapporte les reçus.
Les frais médicaux :
Vous devrez couvrir les frais médicaux de votre helper. Attendez-vous à des frais dentaires. Et vous devrez couvrir ses visites médicales obligatoires.
Les autres frais :
Pensez aux shampoings et autres savons, son forfait ou carte téléphonique (si vous estimez nécessaire de pouvoir la joindre à tout moment), les formations éventuelles, les bonus, les cadeaux.
Les voyages :
- Hors période de pandémie, elle peut vous accompagner en France pendant l’été. Les conditions sont expliquées sur le site du consulat (visa pour le personnel de maison).
- Ses voyages dans son pays d’origine ou autres si elle vous accompagne. Les contrats types attribuent deux semaines de congés payés tous les deux ans mais vous avez le droit d’être plus généreux. Pensez aussi aux retours en urgence au pays pour des événements familiaux que vous souhaiterez peut-être financer.
Et finalement
Pour aider votre helper à se construire un autre futur, pensez à des formations comme celle d’Aidah. Les cours visent à développer les connaissances financières des helpers, à économiser plus et mieux gérer leur argent. Puis à gérer une activité, ce qui peut devenir un objectif réel de retour.
Si votre helper ou celle du voisin a besoin d’aide, l’association Home a un Help Desk et des solutions. Vous pouvez également y devenir bénévole.
Valérie Mahieddine
RESSOURCES
- Site du Minister of Manpower
- Livre : Les femmes de l’ombre d’Emmy Doulain
- Film : Ilo Ilo d’Anthony Chen
- Associations : Home, Center for Domestic Employees, Aidah