Faith, Beauty, Love, Hope – Amour, gloire et beauté…ah non pardon, FOI , BEAUTÉ, AMOUR, ESPOIR – jusqu’au 28 février au Musée des Civilisations Asiatiques

Cette exposition présente plus de 60 objets de la collection du Asian Civilisations Museum, choisis par le personnel du musée, les guides et autres intervenants de l’ombre. Chaque objet est non seulement une œuvre d’art mais aussi un coup de cœur. Des plaquettes explicatives donnent la parole aux professionnels en coulisses et bénévoles du musée, afin d’expliquer le choix des oeuvres présentées.

Le pari : encourager la réflexion et célébrer le positif en cette période difficile.

Image Courtesy of The Asian Civilisatio

La parole au directeur du musée

Pour Kennie Ting, directeur de l’ACM:  » 2020 a été une année vraiment difficile pour nous tous. Au niveau mondial nous avons fait face à la pandémie.  Au niveau personnel avec nos familles, nos proches, nos amis et nos collègues, nous avons dû nous adapter, donner un nouveau sens à nos vies, faire face au chagrin, à la frustration. Cette exposition représente ce dont nous avons tous le plus besoin en ce moment : LA FOI en un avenir meilleur, LA BEAUTÉ pour nourrir l’âme, l’AMOUR pour guérir nos cœurs et l’ESPOIR pour éclairer notre chemin. » D’où le titre de cette exposition temporaire : Faith, Beauty, Love, Hope.

Kennie Ting poursuit : « Les trésors de la collection de l’ACM – réalisés souvent par d’humbles artisans – rendent visible la force et la résilience de l’esprit humain, notre propension à rêver et à imaginer ». Les pièces de Faith Beauty Love Hope – Our Stories, Your ACM (Nos histoires, Votre ACM) ont été choisies par des professionnels et des bénévoles et non par un curateur dédié. Les notices explicatives sont des réflexions personnelles en cette période de pandémie, sur les raisons du choix d’une oeuvre plutôt qu’une autre.

Pourquoi cette exposition est-elle différente?

Les oeuvres sont magnifiques, mais même pour une guide FOM (Friends of the Museums), au premier abord on se sent un peu perdu. La juxtaposition des objets semble hétéroclite. Si vous parlez la langue de Shakespeare, je vous invite vivement à vous joindre à une des visites guidées.

Ou oubliez simplement que comme tout bon francophone vous avez un esprit à tendance cartésienne. Laissez-vous porter. Car dans cette galerie, la muséographie est une expérience à la fois visuelle, spatiale et sensorielle. Les murs rouges alizarine et l’éclairage placent chaque objet dans la lumière qui lui est due. Car c’est bien connu : une œuvre d’art sans lumière, c’est comme un orchestre en sourdine…

Mes trois coups de coeur.

Choisir trois oeuvres parmi les 60 exposées n’est pas chose facile. Mon choix n’engage que moi, le vôtre sera probablement différent. Nos goûts sont d’abord une affaire de sens. Ils ont une dimension culturelle, une dimension affective, et ce quelque chose qui ne s’explique pas. Et comme le disait si bien Oscar Wilde:

La beauté réside dans l’œil de celui qui regarde

45 carreaux pour un tableau…

Panneau Iranien en céramique 18e siècle. Prohète Yusuf. Collection ACM Singapour.
Image Courtesy of The Asian Civilisations Museum

Ce panneau iranien de 45 carreaux en céramique du XVIIIe siècle est une nouvelle acquisition et est exposé pour la première fois à l’ACM. Il représente une scène de la vie du prophète Yusuf (Joseph), que l’on retrouve dans la douzième sourate (chapitre) du Coran.
Dans la version coranique, Yusuf est un bel esclave au service d’un homme égyptien. La femme de son maître, nommée Zulaikha dans la littérature ultérieure, tente de le séduire sans succès. Ce décor illustre l’épisode de l’apparition de Yusuf devant les femmes de Memphis. Subjuguées par sa beauté, elles s’évanouissent ou se coupent avec les couteaux qu’elles tiennent dans leurs mains.

Pourquoi j’aime?

Parce que j’ignorais jusqu’à cette exposition que l’histoire de Joseph/Yusuf est l’un des rares épisodes que l’on retrouve de façon quasi identique aussi bien dans l’Ancien Testament que dans le Coran.

Parce-que ce tableau peint il y a plus de 200 ans illustre la beauté idéale d’un homme et non comme c’est souvent le cas d’une femme. Et oui, une petite flamme féministe brûle dans les doigts de l’auteur de ces lignes. Bien que les beaux gosses (eye-candy comme disent mes copines anglophones) ne manquent pas dans les films et séries, ils font rarement craquer une salle entière et encore moins les imagine-t-on dans un passage de la Bible… J’aime aussi pour les détails ou comme ici leurs absences. Aucune des femmes ne portent le même vêtement. Elles ont chacune un mouvement, une position de corps qui leur est propre. Et pourtant l’artiste a fait le choix artistique de leur donner un seul et même visage….

Mazu, la déesse de la mer

Mazu déesse chinoise de la mer - ACM Singapour
Mazu déesse de la mer-ACM-Photo de l’auteur

Dans les communautés côtières, quel que soit le continent, il existe une longue tradition de prière pour la survie des marins. Qui s’aventurait en mer était conscient de l’immensité de l’océan et de la fragilité de son navire face à la force des éléments, et donc de la possibilité constante de mourir. La mer était un espace de danger, où l’on avait besoin de l’aide de(s) Dieu(x) et des Saints pour survivre.

Cette statuette représentant une femme élégamment vêtue est Mazu, la déesse de la mer.

Pourquoi elle?

Car en ces temps difficiles, elle me rappelle ma Bretagne et le petit port de pêche de Dahouët. À son entrée, une statue de la Vierge Marie surplombe la mer. Comme Notre Dame de la Garde à Marseille, elle est l’étoile qui guide et protège les marins. Et Mazu bien que si différente lui ressemble tellement.

Mazu avant d’être une déesse était une personne en chair et en os. Elle vivait au Xè siècle, dans un village de la côte de Fujian, en Chine du Sud. Nombreuses sont les légendes concernant sa mort et ses miracles. L’une des plus connues relate qu’elle a sacrifié sa vie pour sauver des pécheurs de son village pris dans la tempête. Le Sud de la Mer de Chine était connu pour ses dangers. Pour de nombreux migrants chinois, l’arrivée à bon port du fret maritime, des marins et des passagers était vitale – dans tous les sens du terme -. La popularité de Mazu dans les villes côtières d’Asie du Sud-Est n’a donc rien de surprenant comme en témoignent les nombreux temples à son effigie dans la région. Aujourd’hui, à Singapour, Mazu est vénérée dans douze temples, dont l’un des plus anciens, le temple Thian Hock Keng dans Telok Ayer Street.

C’est la course des Canards

Canard vainqueur de la Great SIngapore Duck Race en 2002.
Photo de l’auteur

Oui vous avez bien vu. Au milieu de tous les chef d’oeuvres, est exposé un canard en caoutchouc jaune. Il n’est pas plus vilain qu’un autre et semblable à tous les petits canards de baignoire… Alors, pourquoi lui est-il ici ? Tout simplement parce que c’est un canard de course… 

Pour dépolluer la Singapore River

Depuis des centaines d’année, la prospérité de Singapour est dûe au commerce fluvial et maritime. Mais dans les années 1960-70 suite à la croissance, la Singapore River était une rivière extrêmement polluée, nauséabonde. Certains racontent qu’on pouvait la sentir avant de la voir…  En 1977, le premier ministre de l’époque Lee Kwan Yew, annonça un vaste programme de dépollution. Les usines et fermes en amont furent déplacées et les quais rénovés. Progressivement, la qualité de l’eau s’améliora. Preuves irréfutables, l’abondance de poissons et les loutres qui y vivent de nos jours.

Mais revenons en à notre petit coin-coin. Vers la fin des années 90, des courses de canards en caoutchouc sont organisées. Les recettes sont reversées à des œuvres de charité. En 2002, ce canard jaune avec 123 000 autres canards participe au Great Singapore Duck Race. Le Grand Prix des Canards en quelque sorte. Pour participer il suffit d’adopter un canard contre une redevance de 10 dollars. Le départ de la course n’est pas vraiment glamour.  A Clark Quay, des camions-bennes basculent les concurrents dans la rivière. Le principe est simple. Le premier à passer la ligne d’arrivée – quasi en face du musée – remporte le pactole. Et ce petit canard avec ses lunettes de soleil fut le grand vainqueur. Ce petit crack palmé a permis à son heureux propriétaire de remporter la modique somme d’un million de dollars…

Pourquoi j’aime

Parce que c’est un objet à la fois insolite, pop art, fun et commun. Par son histoire, il devient unique.  Ce petit canard jaune est aussi tout un symbole. L’espoir que les rivières et voies d’eau de l’île abritent une faune diverse. Il symbolise la vision de la cité-état par Lee Kwan Yew: être une ville dans un jardin.

Et quel objet décrirait mieux le thème général de cette exposition spéciale? « LA FOI en un avenir meilleur, LA BEAUTÉ nourriture spirituelle , L’AMOUR salvateur et L’ESPOIR lumineux ».

Si vous êtes au musée n’hésitez pas à visiter les autres galeries. Nous vous les présentons aussi à travers nos articles sur Singapour live… Luxe et littérature française à l’Asian Civilisations Museum, Quand Bling et Chiffons s’invitent au Musée, Christianisme en Asie au Musée des Civilisations Asiatiques.

Et comme cette année on ne voyage pas beaucoup, sachez qu’avec la carte annuelle de Friends of the Museums, vous avez un accès gratuit illimité à onze musées de Singapour. Plus d’information sur le site de Friends of the Museums.

Caroline Carfantan

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