Réfugiée en France à seize ans, logisticienne dans l’humanitaire à 25 ans, expatriée à Singapour dans la trentaine, diplômée de Bioforce, de la SMU et de l’ESSEC, mère de trois enfants, engagée en politique … Belma Yebka mène sa vie tambour battant.

Ça commence avec un mail de plus dans la boîte aux lettres, concernant les élections consulaires. On lit en diagonale…il faut bien l’avouer, on peine un peu à voir l’utilité des fameux « conseillers consulaires ».

Mais cette fois, la tête de liste retient notre attention : née en Bosnie il y a 45 ans, arrivée en France comme réfugiée politique, plusieurs années consacrées à l’action humanitaire, et maintenant head of business operations d’une start up française dans le domaine de la santé digitale… un parcours vraiment pas banal.

On a eu envie de la rencontrer, on n’a pas regretté.  Est arrivée une très grande fille (1m85) pleine d’énergie, qui ne savait pas par où commencer quand on lui a demandé de se raconter, le temps d’un déjeuner. Et pour cause : la vie de Belma Yebka est un roman.  En voici quelques chapitres :

Chapitre 1 : l’exil

Belma et ses parents quittent en décembre 1992 la Bosnie-Herzégovine en guerre. Départ clandestin, il faut tout laisser derrière soi, un mois de voyage dans des conditions difficiles en Europe, et les voilà enfin arrivés en France avec un visa.

Le père, juge, trouve un travail de bibliothécaire. La mère, autrefois ingénieur, devient concierge et fait des ménages pour boucler les fins de mois, aidée par sa fille.

Belma est sportive, elle est immédiatement acceptée dans un club de volley, qui jouera un rôle d’accélérateur dans son apprentissage du français et son intégration.

Au bout de 6 mois, la famille obtient l’asile politique. Belma parle déjà français couramment. En 2000, nouvelle étape, la nationalité française : « la France nous a très bien accueillis. Je me sens pleinement française, et ma mère est une inconditionnelle de Paris ! ».

Chapitre 2 : l’humanitaire :

En 2000, Belma intègre Bioforce, école lyonnaise spécialisée dans la formation de personnel humanitaire, créée en 1983 par Charles Mérieux. Elle y apprend le métier de logisticien. Elle travaille ensuite pour Emmaüs, Action contre la Faim, toujours à Paris.

En 2003, enfin, le Graal des professionnels de l’humanitaire : une mission sur le terrain à l’étranger. Elle est recrutée par Médecins Sans Frontières pour partir dans le Nord de l’Angola, tout juste sorti d’une longue guerre civile. Son rôle? Responsable logistique d’un hôpital de campagne destiné à lutter contre la maladie du sommeil. A 27 ans, elle « gère » 62 personnes, l’installation d’un camp de 50 lits, son approvisionnement (notamment la construction d’infrastructures pour assurer l’arrivée d’eau), la sécurité.  Lorsqu’elle en parle, elle évoque sa fierté, mais aussi et surtout sa reconnaissance : « J’ai toujours considéré que rien ne m’était dû. Travailler pour MSF, c’était un honneur ».

Chapitre 3 : Singapour 

2009 : Belma est désormais mariée. Elle travaille pour International SOS, société d’assurance santé et sécurité, lorsque son mari se voit offrir un job à Singapour.  Ils y arrivent avec un petit garçon, et ne quitteront plus la Cité-Etat, où naîtront leurs deux autres enfants.

International SOS dispose d’un bureau à Singapour, Belma y poursuit son activité professionnelle, monte en grade, jusqu’à se voir confier la responsabilité du plateau médical pour toute l’Asie. Elle a notamment pour client l’armée américaine : « je travaillais jour et nuit, c’était beaucoup d’adrénaline ». Ses interventions les plus marquantes ? : un crash d’hélico en Thaïlande, un accident de mine au Cambodge, une « sortie » de sous-marin sur la côte malaise.

Chapitre 4 :  l’experte en santé

Entre 2014 et 2018, tout en travaillant, et en agrandissant sa famille, Belma va passer un diplôme en management de la santé publique à la Singapore Management University, et un Master of Science à l’ESSEC. Comment expliquer cette boulimie ? « Je pense qu’il y avait le besoin de rattraper le temps perdu à mon arrivée en France ». A la SMU, elle est la seule non-singapourienne de sa promo. « J’y ai rencontré des gens qui sont restés des amis.  J’y ai découvert un autre aspect de Singapour, et j’ai mieux appréhendé le système de santé local ».

Elle va mettre cette nouvelle expertise au service de la Chambre de Commerce franco-singapourienne, qu’elle a rejoint en 2015, et dont elle co-préside le Healthcare Commitee.

Forte des compétences en digitalisation de la santé acquises à l’ESSEC, elle devient en 2019, Head of Business Operations d’une start-up fondée par le français François Cadiou : Healint, qui développe des solutions mobiles pour les douleurs chroniques. Le produit star de Healint ? Une appli qui compte 3 millions d’utilisateurs, Migraine Buddy.

Chapitre 5 : l’engagement citoyen

« Je conseillais et j’aidais déjà de nombreux membres de la communauté française dans le domaine de la santé et sécurité, je suis presque naturellement passée à l’engagement politique » :  Belma s’engage pour LREM durant la campagne présidentielle, puis durant la campagne des législatives, qui verra l’élection d’Anne Genetet en tant que députée de la 11ème circonscription des français de l’étranger (la nôtre). 

Elle est maintenant tête de la liste Ensemble à Singapour pour les élections qui se dérouleront le 30 mai, afin de choisir les « conseillers des français de Singapour » (anciens conseillers consulaires).  

Bon alors, Belma, à quoi ça sert, un conseiller des français de l’étranger ? « Ils sont grands électeurs pour les sénatoriales. Et sur le plan local, ils sont un peu l’équivalent des conseillers municipaux en France : des élus de proximité, qui assistent la communauté française et portent sa voix auprès de l’Ambassade, du consulat, des parlementaires, des associations ».

A ce stade, le repas avec Belma touche à sa fin. Quelque chose à rajouter ? « Ah oui, j’oubliais, je suis aussi impliquée dans Toutes politiques, le mouvement d’En Marche qui veut favoriser l’engagement des femmes dans la vie politique ». Et la voilà déjà repartie, dans un tourbillon, ouvrir le prochain chapitre de sa vie…

Le Singapour de Belma YEBKA :

  • Son quartier préféré : entre Haji Lane et Arab Street, mélange incroyable de cultures culinaires et un trésor de stylistes locaux, bobo ou tradi,
  • Son restaurant préféré : Bar Roque Grill, de Stefan et Nico. Plus qu’un accueil chaleureux, des amis ! Je m’y sens chez moi,
  • Son spot coucher de soleil préféré : Tanjong Beach à Sentosa, après de longues heures de beach volley,
  • Son premier voyage quand ce sera possible : La France, bien évidemment !
  • Son info médicale pointue :  Il y a plusieurs médecins francophones à Singapour, mais il n’y a que deux médecins français et formés en France qui ont été autorisés à y exercer. Tous deux sont des pontes dans leur discipline, et font de la recherche : Véronique Viardot-Foucault, Endocrinologue (KKIVF Centre and Reproductive Medecine department of KK Women’s & Children’s) ;  Dan MILEA, Professeur d’ Ophthalmologie (Singapore National Eye Centre et Duke-NUS Medical School ).

Delphine Reygrobellet

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