Avant la pandémie, Chinatown était l’un des quartier les plus touristiques de l’ile. On s’y rendait pour ses temples – certains les plus anciens de l’ile, ses pharmacies chinoises TCM, ses magasins de souvenirs, ses restaurants, ses bars et son ambiance hétéroclite…
Aujourd’hui l’atmosphère bourdonnante du quartier reprend à grand peine. De nombreux magasins ont fermé ou n’existent plus… mais les classiques, les authentiques, ceux avec une clientèle locale sont toujours là. Le Chinatown actuel a tout du charme d’une Belle au Bois Dormant.
Chinatown – Architecture
Un des charmes de ce quartier sont les nombreuses shophouses datant des années 1840 à 1960. On les qualifie parfois d’architecture baroque chinoise. Car leur style éclectique est un riche mélange de détails architecturaux malais, chinois et européens. Leur nom shophouse – maison magasin – décrit leur fonction. L’étage inférieur était utilisé pour les affaires tandis que l’étage supérieur servait de quartier d’habitation.

Un peu d’histoire
Avant de s’appeler Chinatown, le quartier était connu sous le nom de Niu Che Shiu. Ce nom qui se traduit littéralement en : eau de charrette à bœuf, tire ses origines du fait que l’approvisionnement en eau de cette zone était autrefois principalement assuré par des charrettes à traction animale.
Ce qui différencie le Chinatown singapourien de celui des autres métropoles est son côté multi-ethniques même si après l’arrivée de Raffles, ce quartier séculaire ait été une enclave à majorité chinoise. À ma connaissance c’est l’unique quartier chinois au monde à avoir dans la même rue (South Bridge Road) un temple bouddhiste (Buddha Tooth Relic Temple), une mosquée (Masjid Jamae) et un temple hindou (Sri Mariamman) à une centaine de mètres l’un de l’autre.
Sri Mariamman – 244 South Bridge Road
C’est le plus grand et le plus ancien temple hindou de Singapour. Ce temple est dédié à Mariamman, la déesse censée guérir les maladies et les affections. Il fut fondé en 1827 par Narayana Pillay, un des premiers indiens de Singapour dont on connaît le nom.

Masjid Jamae – 218 South Bridge Road
C’est l’une des plus anciennes mosquées de Singapour. Elle est aussi une des six mosquées du pays à avoir des offices en tamoul.

The Buddha Tooth Relic Temple – 288 South Bridge Road
Il s’agit d’un temple relativement récent qui date de 2007. Il doit son nom à une relique censée être une dent du Buddha. Cette relique sacrée est gardée une stupa géante de 3.500 kilogrammes, dont 320 kilogrammes d’or, dont 234 kilogrammes étant des dons.

Découvrir les petits détails
Comme en ce moment, il y a peu de monde, prenez le temps de découvrir les petits détails comme le petit autel devant le Buddha Tooth Temple.

Il se situe face à l’entré face à l’office du tourisme. Ses origines ne sont ni bouddhiste ni taoïste. Ce type de sanctuaire facilement ignorés est pourtant omniprésent dans la ville. Il est dédié au dieu de la terre Tu Di Gong. Bien qu’il soit dieu de faible rang dans le panthéon des divinités, il est fort populaire car censé protéger la richesse des ménages et entreprises. La plupart de ces sanctuaires sont basiques : la divinité est parfois représentée dans son effigie traditionnelle – un vieil homme à barbe blanche- ou représentée par une calligraphie, une plaquette, qui indique sa présence…
Sago Street
Cette rue proprette juste à côté du temple doit son nom des nombreuses usines de sagou qui y étaient installées dans les années 1840. Le sagou est un amidon comestible extrait d’une variété de palmiers tropicaux. C’est un aliment de base en Asie utilisé notamment pour des desserts

Son nom cantonnais sei yan gai ou rue des morts était bien moins sympathique. En effet, les shophouses de la rue étaient à la fois mouroir pour les malades en phase terminale et pompes funèbres. Pendant que les mourants expiraient leurs derniers soupirs, les funérailles se déroulaient juste en dessous, au rez-de-chaussée. De nos jours, rien ne reste plus de ce passé morbide. Les maisons de la mort ont été interdites en 1961 et furent détruites.
Les magasins traditionnels du quartier
Tai Chong Kok pour ses gâteaux cantonnais

34 Sago Street se trouve la pâtisserie cantonnaise Tai Chong Kok. On y trouve des pâtisseries traditionnelles cantonnaises ainsi que pendant le festival de la Lune les moon cake authentiques, moins fancy soit mais aussi beaucoup moins chers que ceux des grands hôtels de Singapour
Nam’s Supplies au 22 Smith Street
Depuis 1948, ce magasin vend des offrandes principalement en papier pour les morts. Ces imitations en papier de voitures miniatures, d’ordinateurs, chemises et petits plats sont des offrandes destinées à être brûlées lors des veillées funéraires ou durant le mois des fantômes affamés pour subvenir aux besoins matériels des morts.

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Pharmacies traditionnelles Chinoises
De nombreux locaux -notamment la vieille génération – se rendent à Chinatown pour acheter des médicaments traditionnels chinois. Ils se rendent dans les medical hall pour trouver les remèdes pour traiter leurs problèmes de santé plutôt que de se rendre visite chez un médecin généraliste. Certains de ces medical hall existent depuis des années, voire des générations. Certains des remèdes proposés comme des salamandres séchées valent le détour ou au moins une photo…
San Teck Soon Medical Hall – 531 Upper Cross Street

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Street Art – Pour les amateurs de belles photos ou instagram
Sur les murs des shophouse historiques, des magasins de souvenirs, des restaurants et bars branchés de Tanjong Pagar et Club Street, les peintures murales sont devenues une attraction à part entière …. Avec ces fresques, Chinatown devient une galerie à ciel ouvert. L’art s’intègre au quotidien. On le découvre au détour d’une ruelle, pour le plaisir des yeux ou un post instagram…
Beaucoup d’entre elles sont peintes par le célèbre peintre Yip Yew Chong. Vous trouverez un plan de ses fresques sur son site. La dernière en date est au 30 Temple Street!
On peut le découvrir de mille et une façon. Nous avons opté avec mon mari pour la version ludique … Pendant que j’étais à la recherche d’indices multi-ethnique tel le vendeur malais de rojak reconnaissable à son songkok ou le livreur indien apportant son repas à la chanteuse d’opéra….

Mon mari, lui essayait de capturer avec son iPhone toutes les fresques représentant des femmes Samsui…

Qui sont ces femmes Samsui
Elles étaient des immigrées du district de Sanshui, dans la province chinoise de Canton. La plupart étaient ouvrières sur les chantiers de construction de Singapour. Elles transportaient les matériaux de construction et déblayaient d’autres débris. Singapour s’est en quelque sorte construit sur leurs épaules… On les reconnaissait à leur coiffe rouge et leurs blouses et pantalons bleues foncées/noires.. Leurs « sandales » étaient en morceaux de caoutchouc découpés dans des pneus usagés.

Notons au passage qu’un tableau représentant une femme Samsui de Georgette Chen, célèbre peintre Singapourienne vient d’être vendu pour plus de S$480.000.
Chicken Rice à Maxwell Food Center
Même si beaucoup de restaurants touristiques ont fermé… comme partout à Singapour les endroits pour manger ne manquent pas. Et comme partout le décor détermine le prix mais pas toujours la qualité gustative.
A Maxwell Food Center, un des étals dont la réputation n’est plus à faire est Tian Tian et son fameux Hainanese Chicken Rice. Le célèbre chef cuisinier américain Anthony Bourdain a déclaré le plat servi par Tian Tian exceptionnellement parfumé et savoureux…

Il faut savoir qu’à Singapour, le chicken rice est un plat auquel les adeptes vouent une sorte de culte. Faites le test lors de votre prochaine course en taxi avec un chauffeur et demander lui où manger le meilleur chicken rice de l’ile… Mon mari aussi est fan, mais bien que Tian Tian soit dans son top 10, d’après lui celui Ah Tai est bien meilleur, la sauce au chili faisant la différence….

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Des livres et un bon café
Huggs-Epigram Coffee Bookshop – 45 Maxwell Road
Le concept de cette librairie-café est de ne proposer que des livres Singapouriens. Les livres y sont soit écrits par des auteurs singapouriens soit publiés par des éditeurs singapouriens ou leur sujet est Singapour. Alex, le jeune libraire se fera un plaisir de vous aiguiller dans vos choix… Mais rien ne vous empêche de vous assoir juste pour déguster un café

The Moon – 37 Mosque Street
The Moon est une librairie-café à tendance féministe. 50 % des titres ont été écrits par des femmes écrivains, ou des gens de couleur. Dans la même optique, la plupart des pâtisseries et des boissons du café sont végétaliennes et sans gluten. Petit détail pour les initiés, le café est torréfié par Tiong Hoe Specialty Coffee.
NB: Vous ne trouverez dans cet article aucune info concernant le Chinatown Heritage Center ou les galeries de l’URA, les deux étant fermés actuellement.
Caroline Carfantan