Quel point commun y a-t-il entre une quarantenaire malaise amoureuse de son voisin chinois, un couple de gays, et une jeune femme singapourienne sortant avec un français ? Tous trois sont des adeptes de l’unconventionnal love, selon Olivier Castaignede, auteur de la pièce Love etc., à découvrir les 12 et 13 novembre dans le cadre du festival Voilah! 2021.
« La pièce aborde le thème de l’amour qui s’affranchit des tabous: l’âge, le genre, la race », explique l’auteur, français vivant depuis 21 ans à Singapour et passionné d’écriture (Polytechnicien de formation, il a suivi un Master en création littéraire à Lasalle Collège of the Arts et a publié deux romans en français).

Une comédie de moeurs
Ne vous attendez pas pour autant à une pièce militante ou un drame. Love etc. est une comédie pleine d’humour et de fantaisie, intégrant des séquences de danse ou de chant sur des musiques spécialement composées par la célèbre Gillian Tan. Et l’auteur, marié à une singapourienne malaise, ne veut surtout pas se poser en donneur de leçons.
L’homosexualité masculine reste officiellement interdite à Singapour (article 377 A du code pénal) même si dans les faits la loi n’est plus appliquée et que des associations comme Pink Dot ont pignon sur rue.
Devine qui vient dîner ce soir ?
De même, la question raciale (puisqu’ici les gens sont classés selon leur « race » : chinese, malay, indian, eurasian, caucasian and … others) appelle une approche nuancée. La société singapourienne revendique l’harmonie raciale; les différentes ethnies semblent cohabiter pacifiquement, et le port du voile est un sujet incomparablement moins explosif qu’en France.
La mixité raciale et religieuse n’est pas pour autant un long fleuve tranquille. Une nouvelle loi va d’ailleurs être promulguée, suite à des incidents.
Les relations sentimentales illustrent ce paradoxe. Dans la pièce Love etc., la jeune singapourienne amoureuse d’un français est traitée de SPG*. La quarantenaire malaise et son voisin d’origine chinoise n’osent pas s’avouer leurs sentiments, peut-être en raison de leur âge, mais aussi, probablement en raison de leurs races différentes.

Vieillir et frémir ?
Et les Seniors, ont-ils le droit à l’amour dans la Lyon City ? La question est moins politiquement sensible…mais mérite d’être posée. Sinon, pourquoi, en août dernier, le Straits Times aurait-il jugé utile de faire un article pour expliquer que les plus de 50 ans avaient le droit de se remarier, sans encourir les ragots de leurs voisins ou la désapprobation de leurs enfants ?
Ça balance pas mal à SG
Olivier Castaignede a-t-il hésité à s’emparer de ces thèmes touchy ? « La difficulté venait surtout de ce que je suis un occidental. Singapour n’est pas si verrouillé qu’on peut le penser. Ces sujets sont traités avec beaucoup de liberté par des figures du monde intellectuel ou artistique local comme Alfian Sa’at , Haresh Sharma ou Noor Effendy Ibrahim ».
Love etc. de Olivier Castaignede. Mise en scène Hemang Yadav. Trois représentations, les 12 et 13 novembre 2021, au Goodman Arts Center. Dans le cadre de Voilah!
Attention, ne tardez pas à réserver, la jauge est fixée à 50 personnes par représentation ! Billets sur peatix.
- *SPG: Sarong Party Girl, appellation péjorative née durant l’occupation britannique pour désigner les femmes asiatiques fréquentant exclusivement les occidentaux, dont elles espèrent des avantages financiers ou sociaux. C’est aussi le titre d’un best-seller roman doux-amer de Cheryl Tan.
Le Singapour d’Olivier Castaignede
Son quartier préféré:
Kampong Glam, le quartier historique de l’aristocratie malaise, centré sur la mosquée Masjid Sultan. C’est là que se trouve le magnifique musée Malay Heritage Centre où j’ai célébré mon dîner de mariage en 2005. Kampong veut dire « quartier » en malais tandis que Glam / Gelam désigne le mélaleuque blanc, un arbre d’Asie du Sud-Est dont on extrait une huile aux propriétés médicinales (tea tree oil.)
Son resto préféré :
Islamic Restaurant, à deux pas de Masjid Sultan, l’un des plus vieux restaurants de Singapour (1926) et où l’on sert l’un des meilleurs Biryani de la région ! Mais rien que l’ambiance et la décoration valent le détour.
Son premier voyage asiatique hors de Singapour (quand la situation le permettra) :
je suis impatient de retourner à Jakarta, l’une des villes les plus folles et les plus fascinantes d’Asie.
Sa librairie française :
Akaroa french books, librairie virtuelle, où l’on peut trouver mes deux livres, Radikal et Secrète Lalibela.
La pièce de théâtre singapourienne qui l’a le plus marqué :
la scène théâtrale à Singapour est vraiment riche, libre de ton et particulièrement innovante dans la forme. Je citerais Cerita Cinta de Noor Effendy Ibrahim, Gemuk Girls d’Haresh Sharma, Everything but the Brain de Jean Tay, Poop de Chong Tze Chien et Nadirah d’Alfian Sa’at.
Delphine Reygrobellet
