La radio siffle la nécessité de se replier chez soi et d’attendre. On attend, on n’arrête pas d’attendre. Mais c’est long d’attendre sans savoir ce qu’on attend.
C’est au virus de se calmer, de se recroqueviller. On aura sa peau, c’est tout vu. Mais va falloir s’armer de patience. Ça va prendre du temps.
Et moi alors?
Qu’est ce que je vais en faire de ce temps ? J’ai tout le temps de déprimer en fait, avec ces sombres humeurs qui rejaillissent telles des braises mal éteintes.
Tout d’abord, je vais changer de rythme et me caler dans l’indolence des iles au climat tropical. Rien ne sert de vouloir être trop productif. La force 2 du ventilateur sera mon métronome.

Ensuite, je ne m’alarme plus sur ma concentration devenue instable, je ne m’indigne pas non plus sur mes humeurs tout à fait changeantes, et je m’avoue que ma motivation est tout simplement calibrée sur les horaires des marées.
Je m’accepte avec tout ce lot d’émotions contradictoires qui font que je suis moi – en confinement – dans un pays qui n’est pas le mien – face à une maladie que je ne connais pas – et en attente d’un traitement qui ne viendra peut-être jamais.
Quoi, je pourrais me sentir abattue? Découragée? Inutile?
Nous sommes tous ensemble solidaires en mettant en acte le confinement, je le sais. C’est une action commune et collective. On fait tous UN contre le fléau de la pandémie. Nous nous battons ensemble en restant éloignés du spectre du virus.
Je n’ai aucune raison objective de me sentir vide : mon projet est de rester en vie.

Agir
Mes idéaux me sauvent, certes. Mais je dois agir pour les moments où le reste de mon être ne s’en souvient plus de ces pensées fortes et stimulantes. Souvenez-vous, on parle de vagues et de ressac.
La période est nouvelle : je dois prendre mes marques, et me définir des rituels. Je travaille donc avec stylo et papier pour trouver un nouveau rythme et m’y tenir ; la routine est désormais ma meilleure amie.
Mes priorités
Mes grandes priorités sont et resteront les indispensables : sommeil, alimentation, amour, sport.
Je respecte mes cycles de sommeil, je me bichonne en cuisinant mieux, je dis mon amour à ceux que mon coeur a choisi, et je fais des exercices pour rester alerte et tonique de partout.

Les détenus en cellule parviennent à modeler leur corps et à réveiller une multitude de muscles: je devrais pourvoir y parvenir aussi, pas besoin d’une autre condamnation que celle actuelle.
Je fais en sorte de repérer ma détresse: je n’évacue pas les montées d’aigreur, les coups de blues, les coups de gueule, les colères brutales, les envies de tout jeter par la fenêtre. Je les considère et prends note au contraire de ces déferlantes puis je les convertis: j’utilise la force du courant pour autre chose.
Je peux ainsi me jeter à corps perdu dans du ménage, du bricolage, de l’épluchage de légumes, de la couture, des maquettes, des coloriages pour adultes, du chant ou dans la composition d’un poème ou d’une comédie musicale.
Parfois demeurera le sentiment d’être dépassé; que c’est une montagne, un pic, que dis-je une péninsule à contourner ou à escalader.
Demander de l’aide
Je me dois de savoir demander de l’aide, de saisir une main qui se tend ou de déplier le bras de la main qui peine à se donner. En cela, je ne néglige jamais l’impact de mes bavardages au téléphone, ou en mode video, je découvre les cafés virtuels, clubs de lecture en ligne, jeux en réseau. Je ne reste pas tournée vers l’intimité de mon lieu de vie, mais je profite de ce que le monde social nous offre au travers du Wi-Fi.
Si vraiment je persiste à sentir la fibre du dévouement s’agiter, je m’inscris sur un projet de volontariat pour aller aider là ou c’est nécessaire.
Et si j’ai besoin d’une écoute professionnelle, elle existe à Singapour. L’Ambassade a ouvert une cellule d’écoute et les psychologues francophones consultent à distance.
Je ne suis pas seul(e) et isolé(e), je m’isole pour être avec les autres dans ce combat Covid-19; je ne suis plus Charlie pour le moment, car j’ai changé de bataille, le monde change, donc moi aussi!
Je suis UN pour TOUS et TOUS pour UN.
Macha