Si je vous dis Musée des civilisations Asiatiques de Singapour (ACM), vous pensez joli bâtiment colonial en face du Fullerton, beaucoup de céramiques, de statues hindou, bouddhistes, et une collection époustouflante de bijoux d’Asie du Sud Est…mais probablement pas une exposition fashion contemporaine. 

ACM et Tenues de Gala, un antonyme?

Pour beaucoup, la mode et les œuvres centenaires voire millénaires d’un musée sont deux univers distincts mutuellement exclusifs, obéissant à des normes esthétiques différentes. Et pourtant, c’est tout le contraire:

  • Une tasse en or massif de la période Tang visualise sur ces 8 pans des musiciens et une danseuse. Alors que la tasse est chinoise, les vêtements du boys band avec ballerine sont typique de l’Asie centrale.
  • Une miniature indienne illustre les tenues des empereur moghol.
  • Un banyan exposé dans la galerie court and company  était au 17e et 18e le vêtement masculin à la mode sur trois continents (Asie, Europe et Amérique Latine). En France, porté comme robe d’intérieur, il est l’emblème de l’intellectuel ou de l’artiste. Au point que Molière l’immortalise dans une scène du Bourgeois gentilhomme

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Picture Courtesy of the Asian Civilisations Museum

Après le succès de l’exposition China through the looking Glass  Metropolitan Museum of Art de New York ou l’exposition actuelle Luxes au MAD (Musée des Arts Décoratifs de Paris), c’est au tour de l’ACM d’accueillir sa propre exposition temporaire.

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Du 25 juin 2021 au 19 décembre 2021, #SGFASHIONNOW met en avant l’influence de l’héritage culturel de 12 designers basés à Singapour. Parmi eux, des professionnels dont la réputation n’est plus à faire comme Andrew Gn, Goh Lai Chan, Priscilla Shunmugam et Carol Chen lauréate de Singapore Stories 2020. 

Kennie Ting, Directeur de l’ACM et l’auteur – Masqués, règlementation oblige

Pourquoi j’ai aimé?

J’ai été positivement surprise. Le conservateur et directeur de l’ACM Kennie Ting a su élever le monde de la couture contemporaine locale au rang d’art. Je me suis retrouvée face à des merveilles valorisant et réinterprétant le savoir-faire de cette région du monde.

Avec cette exposition l’ACM montre les échos et les battements de l’Asie du Sud Est en utilisant le medium du vêtement. A travers cette collection « chiffon-couture», le visiteur entrevoit d’autres réalités du temps présent, lui donnant  peut-être un autre regard sur les collections permanentes.

Picture Courtesy of the Asian Civilisations Museum

L’exposition met en scène en tout et pour tout 12 tenues qui m’ont toutes bluffées. La qualité a primé sur la quantité… Et n’oublions pas que Singapour est une petite île, et à l’inverse de Paris sans longue tradition et histoire de la mode à son palmarès. Comme disait déjà si bien Colbert, le ministre des finances de Louis 14:

« La mode est à la France ce que les mines d’or du Pérou sont à l’Espagne. »

Mes trois coups de coeurs

Comment choisir trois créations parmi les 12 proposées ? J’aurais pu toutes les mettre en avant!

Mon premier choix : un Kebaya assorti de son gara parsi

Le savoir faire, la maîtrise, la technique et la virtuosité se perdent. J’aime les tenues embellies dans des ateliers qu’en France on qualifie de Métiers d’Art. Ces métiers qui combinent des compétences traditionnelles avec un savoir-faire de pointe, transformant des matériaux de mode en créations uniques ou en édition limitée. Ces métiers relèvent véritablement de l’art et permettent de créer quelque chose d’extraordinaire, tel les ateliers Lesage appartenant maintenant à la maison Chanel.

Picture Courtesy of the Asian Civilisations Museum

Un kebaya est une blouse traditionnelle de l’archipel malais. Le gara est un type de sari ornée de broderies parsies. Traditionnellement dans les familles parsis, ces garas sont des objets transmis de génération en génération. Les parsis constituent l’une des deux communautés zoroastriennes (l’autre étant celle des Iranis) ayant quitté le monde iranien pour s’installer principalement en Inde.

Picture Courtesy of the Asian Civilisations Museum

Cet ensemble provient des ateliers de la marque Stylemart. A l’origine une boutique et entreprise de couture indienne fondée dans les années 1950. En 1999, Kavita Thulasidas a repris les rênes de l’entreprise familiale. Aujourd’hui, Stylemart est surtout connue pour ses créations sur mesure qui s’inspirent des silhouettes occidentales et de l’art asiatique.

Tout ici est dans le détail. Deux panneaux de perles bleues et dorées accentue la beauté et la blancheur de la dentelle florale du kebaya. Le gara brodée tout en fils de soie, quant à lui avec broderie traditionnelle représentant la flore et la faune. Des motifs symbolisant pureté et protection. Tout est fait à la main. Un minimum de cinq à six mois est souvent nécessaire pour réaliser ce type de broderie. Dix artisans-brodeurs ont travaillé le fil et l’aiguille pendant 9 mois sans relâche pour réaliser le gara exposé.

Mon deuxième choix, géographie oblige, se devait d’être le modèle en batik.

Picture Courtesy of the Asian Civilisations Museum

Cet ensemble deux-pièces de Mette Hartman est inspiré des sarongs de l’eurasienne Eliza van Zuylen (1863-1947). Celle -ci a popularisé les batiks buketan (bouquet à l’européenne) très en vogue chez les Indo-Européens, les Européens et les Peranakans. 

Cet ensemble de Mette Hartman fusionne les motifs pastel inspirés des jardins botaniques de Singapour au style pesisir (côtier). Le blanc n’est pas la couleur de fond mais le décor. Les motifs blancs de plantes et d’oiseaux sont entièrement dessinés à la main sur une teinture bleue fabriquée à partir de feuilles d’indigo. L’ensemble est une réflexion du lac des cygnes  – la plus ancienne pièce d’eau ornementale de Singapour.

Photo de l’auteur

Mette Hartman est installée à Singapour depuis plus de dix ans. Sa marque, Martha Who, se veut slow fashion. Elle donne du travail à des artisans indonésiens réalisant des motifs batik uniques, peints à la main. Son objectif est de préserver le batik et le shibori (technique traditionnelle japonaise de teinture et de nouage) en réinterprétant pour des pièces modernes en soie.

Mon troisième choix : le cheongsam de Studio HHFZ– positive body attitude!

Picture Courtesy of the Asian Civilisations Museum

La créatrice Ruixian de Studio HHFZ est connue pour ses cheongsams sur mesure de style contemporain. Ruixian est l’une des plus jeunes créatrices de l’exposition.

De nos jours ce vêtement est surtout porté lors d’évènement tel un mariage ou le Nouvel An chinois. Le cheongsam est une tenue traditionnelle intemporelle. Il doit son élégance à sa silhouette caractéristique ultra féminine qui si on le choisi bien cache les rondeurs. Il ne se démode jamais mais s’adapte à son temps qu’il soit traditionnel et sur mesure ou plus abordable de chez Tangs et autres grands et petits magasins.

le modèle exposé est design et tendance. Son motif, un dessin de l’illustrateur singapourienne, Ly Yeow. Les femmes nues avec des coeurs sont censées encourager la gente feminine à aimer son corps tel qu’il est.

Une expo pour les grands et les moins grands

Si vous y allez avec des enfants ou jeunes adolescents, n’oubliez pas de demander l’activity book – What inspired you ? gratuit à la billetterie. C’est un petit fascicule sympa, version cahier de vacances à vocation ludique au message éducatif :

Tout est source d’inspiration, si on se donne le temps de regarder avec un esprit ouvert !

Picture Courtesy of the Asian Civilisations Museum

Et pour finir la journée : au bord de l’eau, en amoureux ou en famille.

A défaut de Paris sur Seine, pourquoi ne pas profiter d’un coucher de soleil à l’embouchure du Singapore River.

Si vous aimez la cuisine chinoise le restaurant Empress vaut le détour. Personnellement, j’adore leur dumpling.

Le café du musée Privé à une terrasse sympa pour prendre un verre, les restaurants et bars de Boat et Clarke Quay ne sont qu’à deux pas…

Photo de l’auteur

En bref, une option fashion à rajouter aux activités 2021 version new normal tout en harmonie avec la météo locale – avec clim et au sec… gratuit pour les Singapouriens, PRs et membres de Friends of the Museums.

Caroline Carfantan

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